La nature a horreur du vide. Après le drame de Lubumbashi (massacres d'étudiants sous Mobutu, 1991) et le génocide du Rwanda (1994), les Belges refluèrent d'Afrique centrale. L'ère glaciaire ne s'interrompit qu'avec l'arrivée de Louis Michel (MR) au poste de ministre des Affaires étrangères, dans le premier gouvernement Verhofstadt, en 1999. Les libéraux néerlandophones et francophones (surtout) récupérèrent la place laissée vacante par des générations de responsables catholiques francophones et flamands (surtout), qui connaissaient le Congo et le Rwanda/Burundi comme leur poche, via leurs ONG et des diplomates très pointus. A force, les "bleus" se sont constitués un épais carnet d'adresses.

Comme celui de Serge Kubla. L'ancien ministre wallon de l'Economie et désormais ex-bourgmestre de Waterloo est inculpé pour corruption, après avoir remis de l'argent liquide (20 000 euros) à Chantal Muzito, la femme de l'ancien Premier ministre congolais Adolphe Muzito de passage à Bruxelles.

Avec ses fréquentations louches, le Waterlootois fait figure de Pied Nickelé aux côtés de deux poids lourds de la politique belge, Louis Michel (MR) et Herman De Croo (Open VLD), qui ont développé une vraie addiction pour l'Afrique et ont leurs entrées, par la grande porte, dans le monde économique congolais. La présence belge la plus importante s'orchestre autour de l'homme d'affaire belgo-zélandais George Arthur Forrest, qui s'est taillé un empire au Katanga. Louis Michel lui ménage tellement peu son amitié, encore renforcée par des liens maçonniques, qu'il a accepté de présider le comité scientifique de la Fondation George Arthur Forrest, basée à Wavre. Autre membre de cet aréopage philanthropique : Pierre Chevalier, senior vice-président du groupe Forrest et ancien homme politique libéral flamand, fervent lobbyiste de George Forrest. Louis Michel est très chatouilleux sur la question de son désintéressement par rapport aux entreprises du "vice-roi du Katanga".

De l'autre côté de la frontière linguistique, le patriarche Herman De Croo ne fait pas mystère de ses liens avec le Congo. Il y a des intérêts privés en tant qu'administrateur de la société d'investissement Texaf. Il est également président-fondateur du Centre belge de référence pour l'expertise belge en Afrique Centrale, dont les délégués universitaires étaient, jusqu'il y a peu, Pierre Verjans (ULg) et Filip Reyntjens (université d'Anvers).

Il ne faudrait pas sous-estimer la place que l'Afrique a prise dans les tripes et les jeux de pouvoirs des libéraux. Elle leur offre une cour de récré plus grande que la Belgique et peut-être le sentiment d'encore peser, un peu, sur les affaires du monde. Ils y ont développé des relations qu'il serait, certes, hardi de comparer avec celles que la "Françafrique" entretient avec ses anciennes colonies mais elles reposent quand même sur un maillage étroits de liens d'affaires et de connivence philosophique.

Le dossier dans Le Vif/L'Express de cette semaine. Avec :

  • l'avis et le rôle d'Alain Destexhe
  • l'influence de François-Xavier de Donnéa
  • la chasse gardée du clan Michel- Wavre, fief des businessmen actifs au Congo
  • la rivalité Reynders-Michel
  • Alexandre de Croo : "Difficile de faire du business au Congo"
  • diplomatie : les libéraux s'exportent bien